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Du Moyen Âge à nos jours : les moulins, moteurs de l’économie rurale

L’histoire des moulins à Isigny-le-Buat suit le fil de la Sélune, la grande rivière traversant la commune. Dès le XIIIe siècle, les textes signalent la présence d’édifices hydrauliques, essentiels pour moudre le grain dans cette terre de bocage (source : Archives départementales de la Manche).

  • En 1830, la commune comptait une quinzaine de moulins à eau en activité sur la Sélune et ses affluents.
  • Les moulins à vent étaient moins nombreux, du fait de la topographie locale peu propice.
  • L’activité meunière décline lentement après 1900 avec l’essor de la minoterie industrielle et l’arrivée de l’électricité.

Parmi ces dizaines de moulins, plusieurs ont traversé le XIXe et XXe siècles, certains encore debout, d’autres visibles dans les noms de lieux-dits : “Le Moulin de la Chaussée”, “Le Moulin de la Roche”, “Le Moulin du Pont Rouge”… Autant de jalons historiques dans la toponymie locale.

Quels moulins subsistent aujourd’hui ? Petit inventaire d’Isigny-le-Buat

Quelques moulins se visitent encore, ou du moins laissent percevoir leur silhouette dans le paysage. On en compte au moins cinq aux abords immédiats d’Isigny-le-Buat et dans ses hameaux, dont voici les principales caractéristiques.

Le Moulin de la Roche

Situé sur la route de Saint-Hilaire-du-Harcouët, au bord de la Sélune, le Moulin de la Roche est le mieux conservé et l’un des plus visibles depuis la voie verte des bords de Sélune. Datation : cité dès le XVe siècle, restauré au XVIIIe et XIXe siècles. État aujourd’hui : privé mais observable depuis le chemin de randonnée. Le bâtiment, à toit d’ardoise et murs de granit, abrite encore une partie de ses anciennes roues en bois et fer, vestiges de l’activité de meunerie. Particularité : Pendant la crue historique de la Sélune en 1925, l’eau a failli emporter l’édifice (source : Archives de la Manche).

Le Moulin de la Chaussée

Ce moulin, proche du hameau de La Chaussée, borde un petit bras secondaire de la Sélune. Datation : attesté en 1513 dans les archives paroissiales. État aujourd'hui : le bâtiment principal est aujourd’hui transformé en résidence privée, mais les anciennes pierres offertes à la vue rappellent la présence du site mouleur. À voir : le bief, toujours visible, dessine une jolie boucle dans le paysage bocager.

Le Moulin du Pont Rouge

Juste en aval du bourg, en direction du camping, Le Pont Rouge signale la présence d’un ancien moulin en ruine. Spécificités :

  • L’infrastructure hydraulique (canal d’amenée, chaussée) reste remarquablement lisible.
  • Dernière mouture active recensée : 1927.

Aujourd’hui, ces ruines accueillent quantité d’oiseaux nicheurs, preuve qu’un moulin a mille vies, même après la fin de son activité.

Le Moulin des Brousses

Implanté à l’écart, près de la forêt de la Lande Pourrie, ce petit moulin de rivière n’a jamais connu d’activité industrielle intense mais a longtemps appartenu à une famille de meuniers locaux. À savoir :

  • Utilisé jusqu’aux années 1940, principalement pour l’orge et le blé noir.
  • Propriété privée, masquée par le feuillage en été, mais accessible visuellement en période hivernale via la route des Brousses.

Le Moulin de Tresse

Situé dans un vallon encaissé, ce petit moulin disparaît peu à peu, habillé de mousse et de lierre, mais reste l’un des mieux documentés. Chiffres marquants :

  • Production estimée à 14 tonnes de farine/an en 1820.
  • Abandonné vers 1955, devenu abri pour les outardes en migration (source : Cahiers du Patrimoine de la Commune).

Pourquoi tant de moulins à Isigny-le-Buat ? Quand le paysage façonnait la vie quotidienne

À la croisée des rivières et ruisseaux, la commune a toujours été propice à l’installation des moulins :

  • La Sélune, longue de 92 km, offrait un débit régulier, crucial pour maintenir les roues en mouvement toute l’année.
  • L’abondance de vallons perpendiculaires à la Sélune permettait chaque ferme ou hameau d’accéder facilement à un point d’eau.
  • Le bois local (hêtre, chêne), présent dans les forêts environnantes, était employé pour la fabrication de roues et de mécanismes.
  • La croissance démographique, jusqu’à 4500 habitants sur la commune au XIXe siècle (recensement 1866), multipliait les besoins en farine, huile et sciage (source : INSEE, recensements historiques)

Paradoxalement, aucun vestige de moulin à vent n’a été confirmé à ce jour, bien que plusieurs toponymes locaux (“Le Mont aux Moulins”, “La Butte au Moulin”) laissent penser qu'ils ont pu exister, disparus faute de célérité des vents ou balayés par le temps.

Balade au fil des moulins : conseils pratiques et idées de circuits

Que reste-t-il à explorer, appareil photo ou carnet à la main ?

Un itinéraire pédestre de 11 km, balisé “Les Moulins de la Sélune”, relie trois anciens sites :

  1. Départ du bourg, passage par le Moulin de la Roche (vue panoramique sur la rivière et, de juin à septembre, ruissellement des toitures d’ardoise parmi le vert profond des saules).
  2. Passage par le Moulin de la Chaussée, puis direction la rive droite vers le Moulin du Pont Rouge, à l’atmosphère romantique et sauvage.
  3. Boucle retour par la levée du pont, qui permet d’apercevoir le bief du Moulin de Tresse, discret sous les aulnes. Prévoir chaussures de marche et jumelles pour observer la faune.

Au printemps, le chant des oiseaux et la lumière rasante animent ces lieux chargés d’histoires.

Les moulins dans la mémoire locale : anecdotes et petites histoires

Avant 1914, certains moulins servaient aussi de lieu de rencontre : messes de campagne, veillées, cafés improvisés dans la grange attenante au moulin de la Roche. Même après l’arrêt du meunier, la roue, laissée à tourner librement, rythmait encore la vie :

  • Selon la tradition orale, lors des grandes crues, les habitants entendaient “la voix du moulin dans la nuit”, un grondement sourd censé avertir du danger.
  • Certains anciens rappellent le “pain des moulins” dégusté lors de la fête du village, fariné à la meule de pierre encore en service jusque dans l’entre-deux-guerres.

Aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer, lors d’une balade, des descendants des familles de meuniers, heureux de partager des photos anciennes ou une anecdote sur “le moulin de l’oncle Louis” ou “celui de la tante Léontine”.

Vers la revalorisation des moulins ? Patrimoine à réinventer

En 2021, la commune s’est rapprochée de l’Association des Moulins de la Manche pour un inventaire plus poussé des structures existantes, avec l’idée de préserver voire de restaurer certains sites d’intérêt patrimonial (source : Bulletin municipal n°47, 2022).

Certains moulins sont désormais au cœur de réflexions visant à :

  • Sensibiliser les scolaires au patrimoine rural lors de sorties nature
  • Intégrer certains sites dans des circuits touristiques thématiques (eau, énergie, paysage)
  • Étudier la possibilité d’une restauration du Moulin de la Roche en espace d’interprétation de la rivière et de la meunerie traditionnelle

La vitalité des moulins, même endormis, continue d’inspirer et de relier génération après génération, dans ce dialogue entre passé et présent qui fait le charme vivant d’Isigny-le-Buat.

Pour aller plus loin

Et si, lors de votre prochaine balade, vous preniez le temps de vous arrêter, quelques minutes, devant ces vieilles pierres silencieuses ? Peut-être y entendrez-vous encore le murmure de la Sélune et les souvenirs que l’eau entraîne, au fil des jours et des siècles...

En savoir plus à ce sujet :

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